mercredi 19 novembre 2014

Lettre aux adhérents



 Neuves-Maisons, le 12 novembre 2014

                                              Chers Amis adhérents fidèles du Centre d’Etudes Historiques,



L’année 2014 a été fructueuse avec la publication des très riches actes de la XXème session de juillet 2013 « Les Bourbons  et le XXème siècle » et la XXIème Université d’été au Centre de l’Etoile du Mans, 12, 13 et 14 juillet 2014 consacrée au bicentenaire de la restauration et de la charte, session de qualité exceptionnelle ouverte par Emmanuel de Waresquiel et marquée par de remarquables communications qui seront publiées comme de coutume.

Nous avons par ailleurs participé aux mercredis de l’Institut Duc d’Anjou à Paris pour tous les sujets historiques traités avec de vieux fidèles intervenants du Mans comme Philippe Pichot-Bravard et Jean Fred Warlin, ou encore les signatures prestigieuses Philip Mansel, Thierry Lentz et Reynald Sécher.

Nous poursuivrons évidemment cette étroite collaboration en 2015.

Deux commémorations retiennent notre attention pour l’année qui vient : le 3ème centenaire de la mort de Louis XIV (1er septembre 1715) auquel nous consacrerons une journée un samedi à Paris soit fin juin soit en septembre et bien sûr la suite attendue des travaux de l’été dernier avec l’étude de l’année 1815 (le congrès de Vienne, les cents jours, Waterloo et la seconde restauration) XXIIème Université d’été au Mans les 12, 13 et 14 juillet 2015, avec plusieurs conférenciers de l’an passé et d’autres qui les rejoindront.

Nous voulions vous donner ces premières informations en attendant la publication des programmes et dans l’espoir de votre participation à ces prochaines activités en 2015.

Chers Amis, nous vous assurons de notre parfait dévouement.


Jean-Christian Pinot                    Monique Mompas
 Président                                   Secrétaire Générale
                                               
                                                                              

mercredi 17 septembre 2014

24 septembre 2014 - Conférence avec Monsieur Thierry Lentz - Les vingt jours de Fontainebleau ou la première abdication de Napoléon


L'Institut duc d'Anjou, Vexilla Galliae et le Centre d'Etudes Historique sont heureux de vous convier à la conférence du mercredi 24 septembre 2014 à 20h00

« Les vingts jours de Fontainebleau
 ou la première abdication de Napoléon »

avec

 Monsieur Thierry Lentz

Maisons des ingénieurs - 15, rue Cortambert, 75016 Paris (plan d'accès)


En reprise des Mercredis de l'Institut Duc d'Anjou après la trêve d'été, l'invité de ce mois est Monsieur Thierry Lentz, Directeur de la Fondation Napoléon, Professeur à l'Institut Catholique d'Etudes Supérieures (ICES) de la Roche-sur-Yon.
L'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire du Consulat et du Premier Empire il a publié plus d'une trentaine d'ouvrages, animé un grand nombre de conférences et de colloques, universitaires ou autres, et participé à une multitude d'émissions de radio et de télévision consacrées à cette époque de notre histoire.
Il faut retenir en particulier sa monumentale "Nouvelle histoire du Premier Empire" (quatre volumes) suivant "Le Grand Consulat" et, sous sa direction, la publication de la "Correspondance générale de Napoléon" (tous édités chez Fayard) ainsi que des "Mémoires de Napoléon" (trois tomes chez Tallandier) et des Actes du colloque du bicentenaire de "1812, la campagne de Russie" à l'Université de Paris I (Ed. Perrin).
Ses deux dernières œuvres publiées marquent justement le deuxième centenaire de la Restauration : "Les vingt jours de Fontainebleau, la première abdication de Napoléon - 31 mars/20 avril 1814" et "Le Congrès de Vienne, une refondation de l'Europe 1814/1815" (aux Editions Perrin).
Thierry Lentz illustrera son livre sur ces jours cruciaux ce 24 septembre prochain. Venant après la XXIème Université d'Été du Centre d'Etudes Historiques au Mans (12/14 juillet) sur le thème "1814 la Restauration et la Charte" à laquelle il n'avait pu participer, sa conférence viendra s'ajouter aux quinze communications qui y furent données :

•    Jean-Baptiste Auzel : Le rôle du Maréchal de Bourmont dans la 1ère restauration.
•    Pr. Franck Bouscau : De l’ancien régime à la charte.
•    Bruno Centorame : De Jersey en Normandie, le retour du duc de Berry
•    Laurent Cheron : La restauration vue à travers les mémoires de Talleyrand
•    Ségolène de Dainville-Barbiche : La Religion et la Charte : le rétablissement du catholicisme comme religion d’Etat en 1814
•    Pr Philippe Lauvaux : Le droit politique de la charte
•    Philip Mansel : Louis XVIII, le Roi de l’Europe.
•    Daniel de Montplaisir : « Le comte d’Artois, éclaireur de la Restauration ».
•    Jacqueline du Pasquier : Bordeaux première ville ralliée aux Bourbons, la journée du 12 mars 1814
•    Aymeric Peniguet de Stoutz : La chapelle expiatoire de Paris et les commémorations sous la restauration
•    Frère Augustin Pic : Louis XVIII et le préambule de la Charte, restauration et providence
•    Philippe Pichot-Bravard : Regards sur un manuscrit méconnu : Marie-Pauline de Lezardière et la constitution monarchique
•    Dr Jean-Yves Pons : L’Ordre du Lys et la Garde Nationale.
•    Hervé Pinoteau : Nouveautés et souvenirs dans la symbolique royale en 1814.

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Informations pratiques

Comment venir ?
•    Métro : Trocadéro / rue de la Pompe (lignes 6 et 9)
•    RER : Boulainvilliers
•    Bus: Lignes 63, 32, 22
•    Voiture : Parking possible au 78 rue de Passy 75116 Paris
Participation aux frais :
•    7 euros
•    5 euros (écclésiastiques, étudiants et chômeurs)


samedi 25 janvier 2014

25 janvier 2014 : Discours de Mgr le duc d'Anjou

A l'occasion de la journée du souvenir organisé par l'Institut Duc d'Anjou, monseigneur le duc d'Anjou, chef de la maison de Bourbon, a prononcé ce discours lors du banquet organisé dans un restaurant Parisien.

Mon Père,
Monsieur l'Administrateur,
Chers amis,

Quel plaisir de vous retrouver après cette cérémonie à la mémoire du roi Louis XVI qui nous a réunis, si nombreux, dans l'émotion et le souvenir.

Je commencerai par vous souhaiter une bonne et heureuse année, pour vous, les vôtres, vos familles, vos enfants. Mais ces voeux, je les adresse aussi plus largement à la France toute entière et aux Français. Je pense, notamment, à tous ceux qui se trouvent confrontés à des situations douloureuses de tout ordre. Beaucoup de nos contemporains souffrent, doutent, parfois sont désanchantés.

Depuis des années, dans mes interventions publiques, j'ai rappelé qu'il ne s'agit pas pour nous d'être des nostalgiques, mais d'être des artisans de l'avenir.

Les exemples des grandes figures de la royauté vont dans ce sens. C'est à cela que sert la mémoire.

Louis XVI que nous venons d'honorer à travers cette belle cérémonie nous y convie. Mais, en 2014, un autre roi nous y aidera aussi : Louis IX, saint Louis, dont nous commémorons le 800e anniversaire de la naissance, survenue en 1214, la même année que la bataille de Bouvines.

Saint Louis, par l'exemple de son oeuvre et de sa vie, laisse une fondation solide sur laquelle il est toujours possible de construire. Son oeuvre a été celle d'un roi qui a permis à la Couronne de retrouver sa souveraineté face aux grands féodaux ; celle d'un roi qui a été habité par les valeurs chrétiennes pour réformer la justice et les institutions. Il a montré ainsi que l'éthique était au coeur de l'action publique. Voilà des principes encore bien actuels. Si actuels que, s'ils ne sont pas rappelés d'abord, puis remis au centre de l'action, notre société continuera à être instable et fragile.

Mais aujourd'hui, que representons-nous ? Que souhaitons-nous ? A quoi sert de s'inscrire dans une tradition millénaire ?

Cela n'a vraiment de sens que si nous voulons apporter quelque chose à la société. Or, la société contemporaine est en pleine mutation. Je pense qu'elle a besoin de ce que la tradition représente et peut encore lui apporter.

Souvent, on me demande si je suis prêt à reprendre la place que la tradition donne à l'aîné des Bourbons. Je réponds toujours à cela, comme mon père l'a fait avant moi, que notre position est d'une nature différente. Nos droits sont incontestables et viennent du fond des âges et ils reposent sur cette union entre une dynastie et un peuple. Nous assumons ces droits, étant disponibles.

Cette union a permis au royaume de France de se constituer peu à peu, du petit domaine entourant Paris, jusqu'aux frontières actuelles que Louis XVI s'évertuait à ouvrir au monde avec La Pérouse et les combats menés en Amérique contre l'Angleterre.

Tel est le miracle capétien, celui de la France aussi.

La France a progressé dans le cadre de la royauté dont les institutions reposaient sur la défense des faibles et sur les valeurs héritées du message chrétien dont la première est le Bien commun. Saint Louis en a été le modèle que ses descendants ont suivi.

Le successeur légitime des rois de France doit conserver intact cet héritage, précieux trésor pour l'avenir. Ces valeurs ont fait leur preuve puisqu'elles ont permis à notre pays d'être gouverné et de progresser pendant huit siècles. Ce sont elles qui ont animé génération après génération les meilleurs de nos enfants. Cette permanence montre combien elles sont justes. Ce Bien commun passe par l'unité nécessaire contre toutes les féodalités et les individualités qui veulent toujours s'imposer et imposer leurs lois. Ce Bien commun est aussi inspiré par le souci de la justice et du progrès social reposant sur la réalité et non l'idéalisme.

Devant les interrogations de notre génération actuelle face aux erreurs passées, nous croyons bien que nous aspirons à un renouveau. Le pape François agit dans le même esprit en dénonçant avec vigueur les dérives de toutes sortes, notamment éthiques, qui désagrègent notre société.

Dans cette quête de renouveau et de sens, les jeunes se mobilisant. Ils retrouvent, faisant preuve d'une étonnante clairvoyance, le vrai, le juste et le beau. Ils l'expriment à leur manière et notamment à l'aide de tous les nouveaux modes de communication. J'y vois un message d'avenir. La ténacité de ceux qui ne furent d'abord que des sentinelles, des veilleurs, est assez puissante pour, peu à peu, amener des changements législatifs majeurs, comme l'Espagne nous en montre actuellement l'exemple. Nous savons que nous pouvons compter sur la puissance de la tradition et de ses réussites.

La force de la royauté a toujours été de savoir s'adapter aux évolutions tant que celles-ci avaient pour finalité le bien de l'homme créé à l'image de Dieu. Cette vérité de saint Louis, qui fut encore celles des grandes réfomes du XVIIIe siècle initiées par les rois Louis XV et Louis XVI et que la Révolution est venue détourner, demeure actuelle. Saurons-nous l'entendre et la mettre en oeuvre ?

Ce message est celui du présent et de l'avenir. Fidèle à la tradition royale française, je le porte, me sachant soutenu par l'exemple de mes ancêtres et par l'espoir qui vous anime.

Merci.

Louis

25 janvier 2014 : Oraison funèbre de Louis XVI par le RP Augustin Pic

Oraison funèbre de Louis XVI
Chapelle expiatoire
Samedi 25 janvier 2014

Si ambulem in medio umbrae mortis non timebo mala
quoniam Tu mecum es.
Si je marche à l’ombre épaisse de la mort je ne crains aucun mal
puisque Vous êtes avec moi
(Office des morts)

Mecum habeo custodem Angelum Domini.
Avec moi j’ai pour gardien l’Ange du Seigneur
(Office de Ste Agnès).
Bien aimé Fils de Saint Louis,
Bien chers Frères,
C’est en toute sincérité qu’à son avènement un prince de vingt-ans fit sien le sentiment de son épouse d’un an moins âgée : « Nous régnons trop jeunes ! ». Sans perdre cœur à ce constat, il ne laissa pas de se mettre au travail, riche de quelque idée, que la suite allait perturber mais sérieuse, sur le renouvellement et les continuités qu’il fallait à la France.

La crise de la chose publique puis le triomphe de la subversion, des limites personnelles aussi - il fut variable et indécis - le firent échouer. Au point de perdre sa puissance et sa réputation puis la couronne et finalement la vie.
Mais d’où vinrent l’inaltérable paix, la grandeur plus que royale que ce vaincu de l’Histoire montra jusque dans le pire ? Eut-il un secret ? Oui, Monseigneur ! Oui, mes Frères ! Le christianisme de son enfance lui fit faire de Dieu, au long de tant d’épreuves, les ultimes surtout - aux Tuileries, au Temple, à l’échafaud - une expérience vraie, à la fois profondément intérieure et assez manifeste pour que certains de ses ennemis même en demeurassent à jamais frappés. Comme par avance, on en trouve l’expression saisissante dans le psaume 22e  chanté par notre chorale, par lequel, peut-être au temps de son fils Absalom, rebelle et usurpateur, le saint roi des Hébreu David s’adresse à Dieu, préfigurant Jésus-Christ au Jardin des Oliviers : Si ambulem in medio umbrae mortis non timebo mala quoniam Tu mecum es. Si je marche à l’ombre épaisse de la mort je ne crains aucun mal puisque Vous êtes avec moi. A quoi font écho les paroles de sainte Agnès en son martyre célébré chaque 21 janvier : Mecum habeo custodem angelum Domini : Avec moi j’ai pour me garder l’Ange du Seigneur. Ange qu’avait en vue l’auteur du beau marbre que nous contemplons ici, avant que de descendre au lieu funèbre.

De là, pour montrer à tout chrétien et à tout homme, de France et d’ailleurs, la nécessité de s’abandonner au Dieu vivant, dans l’accomplissement du devoir d’état jusqu’au ténèbres de la mort s’il le faut, abandon sans lequel il n’est point de sainteté en ce monde ni de béatitude en l’autre, nous allons méditer ensemble, en cet anniversaire qui est moins de tristesse que d’éveil et d’espérance, quelque chose de la vie, si tragique et si édifiante, de

TRES HAUT, TRES PUISSANT, TRES EXCELLENT
LOUIS
XVIe DE CE NOM GLORIEUX,
ROI de FRANCE et de NAVARRE.

O veritas Deus, dit l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ, fac me unum tecum in charitate perpetua ! O, vérité qui êtes Dieu, faites-moi un avec vous en l’amour qui n’aura pas de fin ! Chrétiens, c’est là toute notre raison d’être. Si l’homme en effet n’avait à s’unir à Dieu pour toujours, il n’existerait pas même puisque Dieu ne l’aurait jamais créé.

Or, en attendant l’éternel embrassement avec Celui qui nous a faits, c’est de deux façons différentes, contraires en un sens mais complémentaires, qu’Il nous unit à Lui. Par la première, et ce sera un point de mon discours, Il nous détache peu à peu de cette vie, par la seconde, et ce sera l’autre, Il nous fait solidaires du prochain.

Ainsi, pour une fois, nous regarderons ce matin en Louis XVI moins la politique et l’histoire que la vie spirituelle en soi, que cette grâce intérieure dont le Saint-Esprit est l’auteur et l’acteur en tout baptisé autant qu’en tout roi très chrétien, et qui, transcendant les époques, ne se révèle en nos grands disparus que pour inviter chacun de nous à les imiter aujourd’hui, en ce paradoxe évangélique que je viens de dire : le détachement par rapport à la présente existence, laquelle un jour, fatalement, se détachera de nous, et un attachement au prochain qui, en revanche, doit durer éternellement. Commençons.


I
Louis XVI aima la vie. Goûtant les arts physiques, manuels et militaires, la géographie, le droit et l’histoire ; aimant sa famille, les gens de bien, sa couronne, la France. Si l’affection qu’il avait pour les siens et la joie qu’il trouvait à leur intimité restent hors de doute, il est vrai que les doctes ne s’accordent point après deux siècles sur ses dispositions pour la royauté : on pense volontiers que, la fonction se désacralisant, il s’y sentait peu et n’y croyait guère. N’est-ce point faute de voir assez que sa célèbre formule « le malheur d’être roi » procédait en réalité d’un double sentiment : celui, initial, des responsabilités devant Dieu - et qui ne tremblerait en montant sur un trône d’avoir à en rendre compte un jour ? - celui, ultérieur, des affres subies en exerçant. S’il fut toujours aisé à Louis XIV de chérir un métier de roi qui le laissa mourir en paix et, malgré le mécontentement de ses sujets las de tant d’impôts et de guerres, respecté encore, c’est, à n’en pas douter, une vertu très au-dessus de l’ordinaire qu’il fallut à son infortuné successeur pour aimer une position qui devait mener un jour à la fin que l’on sait le traitre qu’il ne fut pas.

Pour sentir quelque chose des transformations que la grâce opéra en lui, il suffira d’évoquer brièvement ce qu’il supporta au long des presque vingt ans qui séparent son sacre de sa mise à mort. La perte du premier dauphin son fils, en juillet 1789, alors que déjà les événements se précipitent et lui échappent, les déchirements de sa conscience à la signature de la Constitution civile du clergé, l’interdiction de préférer, même en privé, le culte catholique à celui des jureurs et schismatiques, l’échec d’un voyage de Montmédy qui, loin d’être une « fuite à Varennes », ne visait à rien moins que ressaisir politiquement la conjoncture, les horribles émeutes de juin et août 92 puis les massacres de septembre. Enfin, le même mois, l’abolition d’une monarchie dont les huit siècles avaient fait la France.

Si nous interrogions la simple politique, nous ne manquerions pas de trouver mille explications et plus à pareille destinée mais pour en saisir la raison suprême, ce sont les mystères du Salut qu’il faut sonder.

Que dire ? Tout simplement ceci, que, d’épreuves en épreuves, Dieu entend détacher du monde présent l’âme de chacun, du prince autant que du mendiant, de notre Prince ici présent comme de celle de chacun de nous. Pourquoi ? La création, œuvre d’un créateur si bon, est-elle donc assez mauvaise pour qu’il faille s’en abstraire et non sans douleurs ? Nullement. Mais, quoique bonne, elle demeure transitoire par nature. Or, par nature, notre âme intransitoire, notre âme immortelle, notre âme promise à de l’ineffable, n’est point faite pour vivre toujours en son corps - au moins tel qu’il est maintenant - et en ce monde ; en un corps qu’elle habite un instant, en un monde dont la figure passera au temps marqué.

C’est là, pour ainsi dire, le nécessaire moment négatif de l’action divine. Mais ce négatif a corrélativement et immanquablement son positif. Dieu en effet ne fait jamais l’un sans l’autre. De la sorte, chaque fois qu’une épreuve, même non méritée, est bien vécue, chaque fois qu’en l’ombre épaisse de nos morts, nous laissons Dieu descendre et nous soutenir, c’est, chaque fois, une aspiration au monde futur, un éclat de sa lumière, un transport de l’amour qui nous y comblera qui s’emparent de nous, ici et maintenant, qui nous habitent, nous transforment, nous comblent, nous transfigurent. Que David le redise : Si je marche à l’ombre de la mort le Seigneur est avec moi, qu’Agnès nous le répète : J’ai avec moi pour me garder l’Ange du Seigneur, et par lui, en moi, le Seigneur lui-même. Alors, devant qui tremblerais-je ?

Voilà ce que Louis, chrétien et roi, eut charge de vivre. Plutôt malgré lui d’abord car, d’abord, il ne fut comme tant d’autres en son temps qu’un fidèle sincère mais moyen, ensuite, et peu à peu, de son plein gré. Jusqu’à cette veille du 10 août 1792 où, dépouillé de lui-même, il appela son confesseur d’alors par la missive bien connue et si poignante : « Venez me voir. Jamais je n’eus plus besoin de vos conseils. Tout est fini pour moi parmi les hommes. C’est vers le ciel que se tournent mes regards ». « Tout est fini » : voilà, à force d’endurer, le renoncement au présent monde, « vers le ciel mes regards » : voilà l’aspiration au Royaume qui vient, royaume qui n’est si désirable que parce qu’il n’est pas de ce monde, ainsi qu’au jour de Sa Passion le proclama devant Pilate notre Seigneur et divin Frère Jésus-Christ.


II
Mon second point est une question. Comment concilier ce « tout est fini pour moi parmi les hommes » et le devoir d’état ? Et la vocation royale ? Louis acheva-t-il sa vie sur un mépris pour ses calomniateurs, pour ses bourreaux, pour ceux que la peur empêchait de se porter à son secours, pour la France, pour l’humanité ? Certes, il n’aima ni les factieux conjurés contre sa monarchie, ni la sanglante populace, que jamais il ne confondit avec le Peuple. Certes, il usait avec tous de cette fierté princière et royale qu’il garda toujours et que sentirent au « procès » même les acteurs ou observateurs les moins favorables. Tel le jacobin Prudhomme, partisan d’une sentence de mort, quand il écrit : « Le président a questionné à perte de vue » mais « Louis a parlé avec une brièveté royale, brevitate imperatoria, et la Convention n’a eu partout qu’un style lâche, sans force et sans dignité ».

Certes, il eut le sentiment croissant de devenir comme étranger au tourbillon révolutionnaire. Etranger à un monde si cruel et même, nous venons de le voir, au monde tout court. Certes. Mais, au fond, homme, chrétien, roi, il aima ses semblables, et les aima jusqu’à subir par eux, et en pardonnant, l’ultime humiliation. On rapporte que de Talleyrand, son aîné de sept mois, le demi-sourire en fin de vie semblait subtilement plein de longs mépris reçus et donnés : en Louis, j’ose le dire, à qui l’on reprocha d’avoir trop bonne opinion des autres et non assez de lui-même, ne furent jamais que des mépris reçus. « Me lier, s’écria-t-il au pied de l’échafaud ? Jamais ! - Sire, répondit la grave et tendre voix du confesseur, je ne vois là qu’un trait de ressemblance supplémentaire de V.M. avec le Dieu qui va être sa récompense. – J’y consens, acheva le roi, mais il ne faut rien moins que son exemple pour me soumettre à pareil affront ».

Il aima les grands cœurs. Quelle n’était pas son émotion devant les derniers sujets fidèles, devant le repentant Malesherbes, devant l’humble Edgeworth, devant ceux du personnel de la sombre tour qui lui gardaient ou retrouvaient à sa vue le respect qui lui était dû, se risquant parfois à lui offrir, à la dérobée, quelque menu service.
Il aima la France, sa France, la nôtre. Il s’était fait gloire d’y commander. Il n’avait régné que pour sa réforme et son bonheur. Il voulut la refonder sur la religion, au début en décidant, contre l’opinion, de se faire sacrer dans les formes traditionnelles, en promettant, peu avant sa chute, de la vouer au Sacré-Cœur dont il avait la dévotion, en refusant, à la fin, de l’accuser du régicide, interdisant toute vengeance à son fils, consentant au sacrifice pour détourner d’elle la colère divine et lui gardant mystérieusement par ce pardon dernier un avenir ouvert …

Pourquoi ? Parce qu’aimer Dieu et aspirer au ciel c’est aimer le prochain qu’on y retrouvera et dont on est chargé en attendant, et lui en fut chargé comme roi.

Parce qu’être soutenu au plus profond de soi au temps de l’épreuve par un Dieu qui l’a endurée le premier, c’est le répandre autour de soi, c’est l’offrir au prochain. Quelle impression, par exemple, ne retira pas le bourreau ? « Il a soutenu tout cela, écrira Sanson édifié, avec un sang-froid et une fermeté qui nous a (sic) tous étonnés. Je reste très convaincu qu’il avait puisé cette fermeté dans les principes de la religion dont personne plus que lui ne paraissait pénétré ni persuadé ».

Parce que recevoir de Dieu une nation à gouverner, c’est rester attaché à elle toute sa vie et par delà la mort, d’où le sens religieux de l’antique formule politique encore prononcée par Louis au Temple, peu avant la tragédie : « le roi ne meurt pas en France ». Grande vérité ! Chez nous le roi ne meurt pas, parce qu’à l’instant où il emporte au tombeau son amour pour les siens, cet amour à la fois remonte à Dieu qui l’inspirait et se perpétue dans les successeurs.

Louis, mort fidèle aux promesses de notre commun baptême, mort fidèle, autant que le permirent en vous la faiblesse humaine, les incertitudes de l’événement et les violences de la période, à celles de votre sacre qui vous liaient à nous pour toujours, nous espérons vous avoir pour intercesseur. A saint Louis et à vous nous confions la France, l’Eglise qui est en France, nos familles, nos cœurs, le présent et l’avenir.
Obtenez-nous la grâce d’accomplir nos devoirs de chaque jour, dans la joie d’aimer et de servir, sans nous laisser abattre par l’échec ou les ingratitudes.

Obtenez-nous la force de résister avec les armes de la vérité, de la raison et de la paix, sans violence physique ou verbale aucune, aux programmées destructions spirituelles et morales.
Obtenez-nous aussi de ne jamais céder, par réaction, à la reviviscence des vieilles idéologies, païennes et idolâtres, de la nation ou de la race. De quelque côté, effet, que vienne la culture de mort, il faut la combattre, et on ne la combat que par la vie et par l’amour.

Amen.